Accords sur l’indication géographique et sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine

Les négociations entre l’Union Européenne et la Chine en matière d’indication géographique avaient débuté en 2006. En 2020 les deux puissances ont enfin conclu un accord de grande envergure et des plus historiques puisqu’il est le premier accord bilatéral entre l’Union Européenne et la Chine. Cet accord améliorera l’accès au marché chinois en particulier pour les produits agricoles européens de haute qualité.

Cet accord prévoit en effet la protection de 100 indications géographiques agroalimentaires de l’Union européenne sur le marché chinois, dont 26 en provenance de France (majoritairement des vins et des fromages comme le Roquefort, le Beaujolais…), et 100 indications géographiques chinoises (thé, riz…) qui seront protégées sur le marché européen.

Cet accord sera très profitable aux deux parties puisque la Chine est la deuxième destination des exportations agroalimentaires de l’Union, lesquelles représentaient un montant de 12,8 milliards d’euros (entre septembre 2018 et août 2019). Les négociations étant clôturées, l’accord va maintenant faire l’objet d’un examen juridique. Du côté de l’Union, le Parlement européen et le Conseil seront invités à donner leur approbation. L’accord devrait entrer en vigueur avant fin 2020.

Cet accord prévoit le respect mutuel des traditions agricoles de l’Union européenne et de la Chine. Une indication géographique est un signe distinctif utilisé pour des produits ayant une origine spécifique, qui possède une réputation ou des qualités.

Ces indications protégées sont donc une garantie importante pour les producteurs d’avoir des recettes d’exportations plus stables et surtout plus élevées. En effet, selon une étude demandée par la Commission en 2013, il ressortait qu’un produit qui bénéficiait d’une indication géographique se vend en moyenne plus du double en matière de prix par rapport à un produit identique n’en bénéficiant pas. De plus, la Chine constitue un marché très important pour ce genre de produits alimentaires.

L’indication géographique est essentielle pour éviter la contrefaçon qui implique souvent un détournement du nom de la marque ou du produit. En 2014, un entrepreneur chinois Ye Chanling avait enregistré la marque « Kalinsong d’Aix » jouant sur la ressemblance de la marque originelle Calisson d’Aix, cette dernière a réussi au bout d’une lutte juridique de 3 ans à faire interdire cette marque. Cette protection est donc très précieuse pour les exportations françaises dont le secteur agroalimentaire représente plus de 10 % des exportations vers la Chine.

Cet accord sur les indications géographiques arrive à point nommé car cela fait 7 ans que des pourparlers sur un accord d’investissement sino-européen s’embourbe. Notamment dû à la guerre commerciale avec les Etats-Unis qui focalisent une grande partie des négociateurs chinois. Cependant depuis quelques mois, la tension entre les deux belligérants est montée d’un grand, obligeant la chine a cherché de nouveau partenaire. La Chine veut s’assurer que les pays européens ne rejoignent pas les Etats-Unis dans cette guerre commerciale.

Malgré cela, lors du sommet du 22 juin 2020, l’UE a fait savoir à la Chine que celle-ci devait insister sur la nécessité de respecter les engagements pris lors du sommet de 2019, et que cette mise en œuvre soit faite de manière dynamique et axée sur des résultats.

C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères chinois (Mr Wang Yi) a fait le tour de plusieurs capitales européennes, il a notamment affirmé à Paris avec le président français le souhait de voir l’accord sur les investissements rédigé vers la fin de l’année.

Le passage de Mr Wang Yi a aussi un but politique, celui de redorer l’image de la Chine qui a été malmenée par sa répression à Hong Kong mais aussi contre celle des Ouïghours. En effet, l’UE a fait savoir lors de nombreux sommets qu’elle était très préoccupé par le traitement réservé aux minorités ethniques et religieuses, par la situation des défenseurs des droits de l’homme et sur les restrictions à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. Lors du sommet du 14 septembre 2020 les deux parties ont convenu qu’un dialogue sur les droits de l’homme se tiendra en Chine sous la forme d’une réunion physique une fois que les mesures de la COVID seront levées. Il faut espérer que ce « conflit » entre l’UE et la Chine n’empêchera en rien le nouvel accord que les deux parties viennent de signer.

Cet accord sur les investissements est lui aussi très important pour les européens. Ces derniers négocient pour que la Chine traite d’une meilleure façon les entreprises européennes en Chine, comme c’est le cas pour les entreprises chinoises en Europe. Les européens veulent un meilleur respect de la protection intellectuelle, la fin des transferts de technologie des firmes étrangères en Chine, et la fin des subventions excessives aux entreprises publiques chinoises.

Les craintes ont été réaffirmés, l’Union a encore souligné qu’il était urgent d’intensifier les engagements que la Chine avait pris pour rééquilibrer l’accès au marché. En effet, la Cour des comptes européennes a dénoncé une concurrence faussée des entreprises chinoises dans le marché intérieur car ces dernières ne sont pas soumises aux règles de l’Union européenne sur les aides d’Etats. La Cour des comptes européenne a aussi rappelé le danger d’une réponse européenne dispersée : 15 Etats de l’Union européenne ont signé des accords bilatéraux avec la Chine sans en informer la Commission européenne.

Lors de ce sommet, l’Union a évoqué qu’un engagement politique de haut niveau serait nécessaire au sein du système chinois pour parvenir à un accord qui serait constructif. La Chine doit donc améliorer sa politique en la matière pour parvenir à un tel but notamment dans le secteur du commerce agroalimentaire, des services financiers, et dans le numérique.

Une réunion des dirigeants UE-Chine, avec la participation des chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’UE et du président Xi, devrait avoir lieu en 2021.

Mathieu Serrault et Quentin Guingan, bénévoles