La violation des droits et valeurs de l’Union Européenne par la Pologne

crédit : Commission européenne

L’État de droit est l’une des valeurs communes sur lesquelles l’Union européenne est fondée. Les événements survenus en Pologne, mettant en péril l’État de droit, ont incité la Commission européenne à entamer un dialogue avec le gouvernement polonais depuis janvier 2016.

Lorsque la Pologne a adhéré à l’Union Européenne le 1er mai 2004, elle a épousé les valeurs et les droits défendus par les Traités européens et la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE entrée en vigueur le 1er février 2003 et devenue contraignante en 2009 avec le Traité de Lisbonne. Ainsi, dans l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et dans la Charte des Droits fondamentaux (qui a la même valeur qu’un traité selon l’article 6 du TUE), l’Union rappelle qu’elle est fondée « sur le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit ». Lorsque le non respect de ces droits et valeurs est constaté, les procédures prévues à l’article 7 du TUE peuvent être activées. Dans le pire des cas, cela entraîne la suspension de certains droits venant des Traités.

En 2015, la Pologne a initié de nombreux changements dans les juridictions nationales, notamment un changement du tribunal constitutionnel polonais, une réformation du parquet par le ministre de la justice qui cumulait ainsi sa fonction avec celle du procureur général. Il possédait dès lors des pouvoirs très étendus, dont des pouvoirs répressifs. Le Conseil supérieur de la Magistrature a été politisé. Et enfin la Cour suprême polonaise (SądNajwyższy) a été réformée et a voulu forcer les juges de plus de 65 ans à partir en retraite anticipée.

On constate alors un réel problème de séparation des pouvoirs en Pologne : le pouvoir judiciaire détenu par les différentes juridictions se retrouve très influencé, voire « brider » par le pouvoir exécutif, détenu par le Chef de l’État et les membres du gouvernement. Le principe de séparation des pouvoirs est un principe fondamental des démocraties. De plus la Constitution Polonaise de 1997 évoque dans l’article 10 que « Le régime politique de la République de Pologne a pour fondement la séparation et l’équilibre entre les pouvoirs législatifs, exécutif et judiciaire ». A la lecture conjointe de cet article 10 de la Constitution polonaise ainsi que des éléments factuels précités il n’y a plus de séparation ni d’équilibre entre les pouvoirs législatifs, exécutif et judiciaire.

De plus, de nombreux juges polonais, dont Waldemar Zurek qui fut aussi porte-parole du Conseil national de la magistrature, ont été harcelés pendant de nombreux mois par le Bureau anticorruption, jusqu’à avoir peur pour certains d’exercer leur métier. Dès lors que l’indépendance des juges n’est plus correctement garantie il n’y a plus d’institution stable qui puisse garantir la démocratie et l’État de droit.

En 2016, la Commission Européenne a exposé ses inquiétudes sur la garantie de l’État de droit en Pologne. Elle a donc engagé la procédure de sauvegarde de l’État de droit dès le mois de janvier. Ce mécanisme est déclenché lorsqu’il y a des « indications claires d’une menace systémique envers l’État de droit dans un État membre » et est prévu par l’article 258 TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE). A partir de ce moment, la Commission a informé les autorités Polonaises qu’elles avaient un délai d’un mois pour remédier à ses différents problèmes relatifs à l’État de droit.

Tout en menant la procédure d’infraction, la Commission a exprimé la volonté de mener un dialogue constructif avec les autorités polonaises pour régler au mieux ce conflit.

Cependant, en l’absence de résultats, la Commission européenne a enclenché en décembre 2017, pour la première fois de son histoire, l’article 7 du TUE qui sert à constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un Etat membre des valeurs visées à l’article 2 du TUE et qui in fine permet de suspendre certains droits découlant des traités à l’État membre en question. Cependant l’article 7 possède une faille de taille : pour arriver à terme, la procédure requiert un vote à l’unanimité des États membres.

Le problème c’est que d’autres États membres violent eux aussi les valeurs et le droit de l’UE comme la Hongrie envers laquelle le Parlement européen a déclenché l’article 7 du TUE le 12 septembre 2018 sur la violation des valeurs européennes.

Dès lors la procédure ne pourra jamais arriver à terme et cet article 7 démontre encore une fois la volonté politique des institutions européennes mais ne permet pas de sanctionner légalement et efficacement un État membre.

Si l’article 7 du TUE ne suffit pas à réprimander de manière efficace les États membres qui violent les valeurs de l’UE, il reste les plaintes devant la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). Ainsi, un arrêt de la CJUE, a été rendu GC 24 juin 2019, Commission c. Pologne, Affaire C-619/18 dans lequel la Cour examine notamment le principe de protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union et les principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges. En lisant l’arrêt il en ressort que la CJUE a constaté que la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19 paragraphe 1 second alinéa du TUE qui précise que « Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. ». La CJUE a donc jugé que la Pologne n’assurait pas une protection juridictionnelle effective et qu’il y avait une violation de l’inamovibilité des juges.