L’Union européenne, première victime du coronavirus ?

Le présent article se veut être à titre informatif et n’est pas une étude reposant sur une analyse purement juridique.

Après un mois de confinement, pour la majorité des États membres de l’Union européenne (UE), il est temps de faire le point et de revenir sur les actions mises en place par l’UE afin de lutter contre cette pandémie appelée Covid-19.

Tout d’abord, il est important de rappeler que la politique de santé et les mesures d’accompagnement dans ce domaine – qui relèvent au fond de la politique sanitaire – demeurent une compétence des États membres. Ainsi, l’UE ne peut décider elle-même de suspendre des évènements ou de fermer des écoles pour cause de santé publique car elle ne dispose que d’une compétence d’appui en matière sanitaire. En effet, l’UE ne fait qu’appuyer les politiques nationales en matière de santé et encourager la coopération des États Membres entre eux (Art 168 TFUE).Cela signifie d’ailleurs que l’Union intervient de manière « positive » pour renforcer des actions d’intérêt commun et non pas au titre de mesures de police.

Les États sont donc libres de s’organiser comme ils le souhaitent. Cependant, l’action des 27 doit rester coordonnée et dans la continuité du respect des principes et valeurs fondamentaux de l’UE, précise la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen.

Ainsi, pour répondre aux différentes problématiques soulevées durant cette crise qui sont :

– Les divergences de stratégies des États membres (état d’urgence, confinement partiel ou total, limitation de l’activité économique ou des déplacements, fermeture des frontières… Les 27 ont rapidement réagi à la crise sanitaire en adoptant des mesures nationales stratégiquement différentes),

– La « Guerre » officieuse des masques entre États,

– L’opposition des pays du « Nord » à ce que le Mécanisme européen de stabilité (MES) puisse prêter de l’argent aux États en difficulté dits, pays du « Sud »,

…la Commission a décidé de mettre en place une « Feuille de route » afin de coordonner la réaction européenne commune et de répondre aux eurosceptiques qui la qualifient d’« Europe lâche ». Chaque génération d’Européens a été confrontée à une menace ou un défi majeur: le défi de notre génération est la pandémie de COVID-19.

Afin, de renforcer les secteurs de la santé publique et d’atténuer les effets socio-économiques de la pandémie, la présidente de la Commission a également mis en place une équipe de réaction face au coronavirus. Cette équipe a été constituée dans le but d’éclairer la décision européenne, de formuler des conseils (prise en charge clinique, priorités des soins, conséquences à long terme…) aux États membres qui, ont la compétence exclusive en matière de santé.

Ainsi, les différentes mesures mises en place sont les suivantes et s’articulent autour de quatre grands axes :

I) Limiter la propagation du virus 

Tout d’abord, afin de limiter la propagation du virus, toutes les décisions sont prises par vidéo conférence entre les différents dirigeants des pays membres et les instituions de l’UE.

Le 17 mars, les frontières extérieures de l’Union ont été fermées et des contrôles aux frontières pour motif sanitaire mis en place. Bruxelles a cependant rappelé l’importance de la libre circulation des travailleurs dans l’Union, en particulier dans les secteurs des soins de la santé et de l’alimentation.

La Commission européenne rappelle qu’il est important de ne se fier qu’à des sources faisant autorité et de consulter régulièrement les sites web de l’ECDC et de l’OMS. Ainsi, en ces temps de crise, elle lutte activement contre la désinformation et la mésinformation très présentes dans le domaine de la santé.

Afin de réagir rapidement, la présidence croate (qui est la présidence du Conseil de l’Union européenne qui tourne tous les 6 mois) a mis en place un dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR) en mode « partage de l’information ». L’IPCR est le dispositif de l’UE qui permet d’assurer une coordination au niveau politique en cas de crises trans-sectorielles et de partager des apports de connaissance et d’analyse de la situation, établis régulièrement par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Compte tenu de l’urgence de la situation la présidence a fait passer l’IPCR en mode « activation totale » ce qui permet la tenue de tables rondes de crise avec la participation des États membres touchés, de la Commission européenne, du Service européen pour l’action extérieure, du cabinet du président du Conseil européen et des agences et experts compétents de l’UE

Des citoyens européens bloqués à l’étranger ont également été rapatriés. En effet, les ambassades des États membres et les délégations de l’UE collaborent afin d’aider les citoyens de l’UE à rentrer chez eux. Ils s’efforcent de rapatrier plus de 600 000 citoyens européens bloqués à l’étranger. Déjà plus de 40 000 ont été rapatriés grâce au soutien logistique et financier de l’Union.

Enfin, les règles de l’UE sur les créneaux horaires dans les aéroports, afin, que les transporteurs aériens n’exploitent pas des vols à vide pendant la pandémie ont été suspendus temporairement.

II) Assurer la fourniture de matériel médical

Afin de faire face au manque de matériel médical, une réserve stratégique RescEU a été créée, ayant pour budget 80 millions d’euros. Cela servira majoritairement à fournir des respirateurs et des masques de protection.

Dans le but d’épauler les systèmes de soin de l’UE et les aider à faire face à l’épidémie, 3 milliards d’euros ont été débloqués par la Commission européenne. Pour venir en aide aux plus vulnérables, des équipes médicales ont été mobilisées notamment dans les camps de réfugiés. Ainsi, le Corps médical européen coordonné par le Centre de coordination de la réaction d’urgence de l’UE a envoyé à Bergame une équipe de médecins et d’infirmiers venus de Roumanie et de Norvège. L’Autriche a également offert à l’Italie 3 360 litres de désinfectant par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’UE

Enfin, le report de l’application du règlement relatif aux dispositifs médicaux permet aux fabricants de se consacrer à la production de dispositifs médicaux essentiels, d’éviter les pénuries ou retards éventuels dus aux organismes de réglementation et de sauver ainsi des vies. Les droits de douane et TVA, sur les importations de dispositifs médicaux et d’équipements de protection en provenance de pays tiers, ont également été suspendus temporairement.

III) Promouvoir la recherche sur des traitements et des vaccins

Afin de promouvoir la recherche d’un vaccin contre le Covid-19, 140 millions d’euros de fonds publics et privés ont été levés. Par exemple, le conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement a accepté de donner à la société allemande de biotechnologie CureVac un investissement de 75 millions d’euros en capital pour son vaccin expérimental contre le Covid-19.

IV) Soutenir les emplois, les entreprises et l’économie

Tout d’abord, afin de soutenir les emplois, les entreprises et l’économie, les ministres des Finances de l’UE ont décidé de suspendre, le 23 mars, les règles budgétaires européennes interdisant notamment les déficits publics supérieurs à 3 % du PIB.

Suite à cela et afin de soutenir les États européens et leurs entreprises, un plan de rachat d’urgence de 750 milliards a été lancé par la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement. Ainsi, la BEI a réuni 40 milliards d’euros pour répondre aux besoins de financement à court terme des PME et a élaboré une proposition de fonds paneuropéen destiné à soutenir les entreprises, avec un montant supplémentaire pouvant aller jusqu’à 200 milliards d’euros.

Par la Commission et le Fonds européen d’investissement, c’est la somme de 8 milliards d’euros en faveur de 100 000 entreprises européennes, qui a été débloquée.

A côté, la Commission travaille sur la formulation d’une nouvelle proposition de budget destinée à lutter contre les conséquences économiques de la crise et de garantir « Le maintien de la cohésion au sein de l’Union ». Cependant, cette initiative doit encore convaincre les 27 à l’unanimité, ce qui n’est pas une mince affaire étant donné les divisions Nord/ Sud à ce sujet et plus précisément les division Pays-Bas Allemagne d’un côté et France, Espagne et Italie de l’autre.

Ces petites tensions ne freinent cependant pas la Commission dans son travail qui lance la création d’un dispositif de réassurance chômage baptisé « SURE » et financé à hauteur de 100 milliards d’euros. SURE est une assistance financière visant à atténuer les risques de chômage en situation d’urgence. Présentée sous la forme de prêts, cette assistance doit venir consolider les systèmes d’allocation-chômage des pays les plus touchés afin de mieux supporter les coûts engendrés par la mise en chômage partiel.

De plus, les fonds de l’UE ont été réorientés pour aider les EM à faire face à la crise du Covid-19 et couvrir les urgences de santé publique. Le Parlement européen a adopté des résolutions afin d’aider les personnes et les entreprises à faire face à la crise provoquée par la pandémie de coronavirus dont la mobilisation de 37 milliards d’euros provenant des fonds européens et 800 millions d’euros des Fonds de solidarité de l’UE.

Enfin, ce qui a fait le plus de bruit dans les média, n’est autre que l’accord entre les ministres des finances des 27 États membres pour une réponse économique commune face à la crise : 540 milliards d’euros en soutien aux pays européens. Cependant, la question du « Corona Bonds » a été repoussée par l’Eurogroupe.

Qu’est-ce que le « Corona Bonds » ? Les pays les plus affectés par le virus, dont l’Italie, réclament la création d’un « fonds » de relance qui puisse être financé par de la dette commune, sous la forme d’euro-obligations appelées « Corona bonds » ou « Eurobonds ». Or, l’idée d’une mutualisation des dettes constitue toutefois une ligne à ne pas franchir, pour l’Allemagne et les Pays-Bas, qui refusent de s’inscrire dans une démarche commune avec les États endettés du Sud, jugés laxistes dans leur gestion.

Même si le texte de l’accord évoque un « fonds de relance » dont « les aspects juridiques et pratiques », notamment le « financement », devront encore être définis et les propositions validées par les chefs d’État et de gouvernement, ce consensus constitue un soulagement pour les Européens qui parviennent à afficher une unité, certes tardive mais tout de même présente, face aux conséquences économiques désastreuses du virus, après des semaines de négociations mettant en évidence cette fracture entre les pays du Nord et du Sud.

Cependant, malgré la mobilisation des institutions européennes et des différentes mesures mises en place, il reste quelques ombres au tableau.

Il n’est pas possible de passer outre la lenteur de la réponse de l’UE face à cette crise. Lenteur reconnue par la présidente de la Commission elle-même qui se force cependant à se montrer optimiste quant à la suite. Néanmoins, ce manque de réaction significatif et tardif pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’Union. En effet, après avoir été prise au dépourvu par cet ennemi inconnu, l’UE a tardé à réagir laissant une porte ouverte aux eurosceptiques accusant (encore une fois) l’Union des 27 d’être faible, inexistante et inefficace. Le manque de solidarité des pays du Nord envers les pays du Sud se fait cruellement ressentir et ravive une d’anciennes blessures (2008, 2012) laissant les eurosceptiques et les pro-retrait gagner un peu plus de terrain chaque jour. Oui, l’évocation de la possibilité pour le Mécanisme européen de stabilité (MES), financé par les États membres, de prêter de l’argent à un État en difficulté, jusqu’à 2% de son PIB, soit 240 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone euro a divisé.

Pendant ce temps-là, l’inquiétude de la Commission s’accroît mais elle reste tout de même inactive face aux pleins pouvoirs donnés par le Parlement hongrois à son Premier ministre, Viktor Orban, lors de la prolongation de l’état d’urgence du pays. Ainsi, la cohue générale sert les affaires de certains pendant que d’autres se battent contre un ennemi invisible et impitoyable.

Cependant, si l’Union a finalement décidé d’agir en employant « les grands moyens » face à une crise dont on ne voit, pour l’instant, que le haut de l’iceberg (l’avenir nous réservera sûrement des surprises...) c’est parce que l’UE sait que « Si certains pays se relèvent et d’autres pas du tout, c’est alors que l’UE pourrait exploser. » . Ce serait ici, le goût amer d’un échec européen mais également national qui planerait dans les hautes sphères politiques des 27.

Sommes-nous certains que les États ont compris ce que signifie la notion de solidarité ? Certainement pas, et il est dommage que l’opinion publique incrimine les institutions de l’Union, l’Union elle-même, alors qu’elle n’est que le fruit de la volonté des États.

La crise sanitaire, liée au Covid-19 révèle une autre crise : celle de l’essoufflement du projet européen. Même si l’UE a en fin de compte montré sa capacité de réaction face à la crise en mobilisant tous les moyens juridiques et financiers à sa disposition quitte à adapter ses politiques notamment économique et monétaire puisque celle-ci n’a pas de compétence propre en matière sanitaire, cette réaction n’est cependant pas exempte de critiques (lente, tributaire des divisions entre les États…).

Ainsi, il est important de garder à l’esprit cette phrase, du président du Parlement européen, David Sassoli « Pour sauver nos pays, nous devons faire fonctionner l’Europe. Et nous devrons faire encore plus. A partir d’aujourd’hui, le mot d’ordre en Europe est solidarité. Personne ne restera seul et personne n’agira seul ». L’Union européenne et ses États membres doivent se montrer encore plus ambitieux et solidaire en cette période de crise sans précédent, notamment en ce qui concerne les mesures de sortie progressive et la stratégie de relance de l’UE.

Pour plus d’informations, consulter → https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/covid-19-coronavirus-outbreak-and-the-eu-s-response/

Patricia VILELA MEIRA