Retour sur le discours sur l’État de l’Union

Tout comme les Américains qui, chaque année, font un discours sur l’état de l’Union, l’Union européenne prononce aussi chaque année son propre discours sur l’état de l’Union.

La différence fondamentale entre ces deux discours est qu’aux États-Unis le discours sur l’état de l’Union, c’est un événement au cours duquel le président présente son programme pour l’année en cours devant la branche législative du gouvernement fédéral. Et comme chaque année le discours est diffusé en direct à la télévision ainsi qu’à la radio, partout dans le monde. Alors que le discours sur l’état de l’Union version européenne, lui, est un événement récent, car instauré par le Traité de Lisbonne (2009), et n’est jamais diffusé en direct ni à la télévision ni à la radio. La différence fondamentale réside dans la visibilité qui est donnée aux deux discours.

Pour nous, européanistes, ce discours est pourtant d’une importance cruciale puisque chaque année le Président de la Commission Européenne fait le bilan de l’action de l’exécutif européen et présente les grandes lignes des futures propositions de son institution pour l’année à venir. Ce discours est prononcé au mois de septembre devant le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg (ou Bruxelles en 2020). Cette année, ce fut la première femme, président de la Commission Européenne, Madame Von der Leyen qui a prononcé ce discours le 16 septembre 2020.

En effet lors de son discours Madame Von der Leyen a abordé plusieurs points, mais nous allons nous concentrer sur quatre points très importants pour l’avenir de l’Union qui sont : une Europe Verte, la crise sanitaire, le brexit, et la lutte anti haine et anti raciale.

  1. Une Europe verte

Concernant ce qu’on pourrait appeler « d’Europe Verte » la Présidente de la Commission a évoqué plusieurs points très importants en la matière. Elle a parlé du Pacte vert pour l’Europe qui a pour but de lutter contre le changement climatique en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050. En effet la Présidente veut que l’Union européenne devienne le leader dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement en devenant le premier continent neutre en carbone en 2050. Cela permettrait de respecter les obligations qui découlent des accords de Paris. Elle souhaite ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre passe à 55% d’ici 2030. Elle qualifie ce projet comme « ambitieux, réalisable et bénéfique pour l’Europe. »

Elle a rappelé aussi que l’Union européenne et plus précisément les États membres la composant sont « les leaders mondiaux de la finance verte et le plus grand émetteur d’obligations vertes dans le monde ». Madame Von der Leyen a tenu un discours très prometteur et très convainquant. Pour réussir à convaincre les plus climatosceptiques elle a fait allusion aux derniers événements en Europe et dans le monde (effondrement d’un glacier du Mont-Blanc, les incendies de l’Oregon, la sécheresse d’une exceptionnelle gravité qui détruit les cultures en Roumanie) et a rappelé que tous les États membres, aujourd’hui plus que jamais, doivent tendre vers une lutte contre le réchauffement climatique.

  1. La crise sanitaire

La Présidente sur ce sujet a fait preuve d’une grande clarté et d’une très grande transparence, elle ne va pas chercher à surestimer les capacités de l’Union Européenne sur la gestion de la crise de la COVID-19. En effet, celle-ci a directement expliqué que « ce virus a mis à nu les failles de nos systèmes de santé et les limites d’un modèle qui privilégie la richesse plutôt que le bien-être ». Pour faire face à une nouvelle crise sanitaire et pour que l’Union soit mieux préparée, la Présidente renforcera son nouveau programme « L’UE pour la santé » en augmentant notamment les financements. Elle renforcera également le rôle des pouvoirs de l’Agence européenne du médicament ainsi que celui du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. En second lieu la Présidente souhaite créer une agence de recherche et de développements biomédicaux avancés au niveau européen comme cela existe déjà aux États-Unis. Et enfin elle souhaite repenser les compétences dans le domaine de la santé qui devront être vraisemblablement discutées lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

Elle n’a pas seulement abordé les lacunes de l’UE sur la crise sanitaire, mais elle a rappelé aussi que l’UE, si elle a eu du mal à faire face à la crise sanitaire dans ses débuts, a fait tout son possible pour maintenir au mieux le marché intérieur et fournir aux Etats membres des masques, gants, tests, respirateurs. Elle a rappelé à cet égard que « Lorsque des États membres ont fermé leurs frontières, nous avons créé des voies réservées pour les marchandises». Tout en essayant de rassurer les députés elle a aussi rappelé que l’Union a pu réaliser tout cela « sans disposer des pleines compétences ». La santé est en effet une compétence des États membres ; l’Union européenne ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter leurs actions. Le discours de la Présidente veut donc montrer que l’UE a réussi à faire face à cette crise sanitaire et a su réagir efficacement malgré le peu de compétences dont elle dispose sur le sujet.

  1. Le Brexit : le risque de «no deal»

En ce qui concerne le Brexit, il convient de rappeler qu’au 1er janvier 2021, si aucun accord n’est trouvé, Londres devra faire face au « no-deal ». Néanmoins, la période est davantage restreinte puisque le Premier ministre britannique Boris Johnson souhaite parvenir à un accord avant le 15 octobre. La Présidente est revenue sur ce problème en expliquant que l’accord qui avait été négocié au cours des 3 dernières années ne pouvait être modifié unilatéralement. Elle fait ici référence au souhaité du 1er ministre Britannique de revenir sur le protocole nord-irlandais (qui est un problème juridique très délicat et important) pour décider des contrôles douaniers effectués entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne. Elle a même cité Margaret Thatcher, ancienne Première ministre Britannique, en disant que « Le Royaume-Uni ne viole pas les traités. Ce serait mauvais pour la Grande-Bretagne, mauvais pour les relations avec le reste du monde et mauvais pour tout futur traité commercial ». En faisant référence à l’ancienne Première ministre elle a souhaité rappeler qu’il sera bénéfique tant pour l’UE que pour le Royaume-Uni d’arriver à un « deal » qui convienne aux deux parties pour assurer de bonnes relations entre elles. Elle a également ajouté que « La confiance est le fondement de tout partenariat solide » ; cela vaut pour l’UE, mais aussi pour les futurs partenaires économiques du Royaume-Uni, la Présidente s’est montrée ferme sur ce point.

  1. La lutte contre le racisme et la haine

En la matière, la Présidente s’est montrée intransigeante. Elle a exprimé son souhait d’élargir la liste des infractions prévue par l’Union européenne. Elle a expliqué que cela s’appliquera à « toutes les formes de crimes de haine et de discours de haine – qu’ils se fondent sur la race, la religion, le genre ou la sexualité ». A cet égard elle a expliqué qu’elle mettra en œuvre des mesures et actions concrètes pour renforcer et assurer les droits des communautés LGBTQI là où des «zones sans LGBTQI» existent en Pologne. Ces zones sont pour la Présidente « des zones sans humanité, et elles n’ont pas leur place dans notre Union ». Certaines villes de Pologne ont d’ailleurs été condamnées plusieurs fois, ce qui témoigne de l’importance de l’Union de veiller à ce que le racisme et la haine cessent au sein de son territoire.

La Présidente a également exprimé son souhait de se doter pour la première fois d’un coordinateur en matière de lutte contre le racisme. Son but sera de travailler avec les citoyens, la société et les différentes institutions. Lors de son discours, elle a expliqué avec fermeté en citant John Hume (homme politique Irlandais connu pour avoir préparé l’accord du vendredi Saint signé en 1998 et qui permet une solution politique mettant fin au conflit en Irlande du Nord) « La différence est l’essence même de l’humanité. » Elle rajoute « ces mots sont plus importants aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été ». En effet, les paroles de la Présidente s’expliquent notamment par la mort de George Floyd pour laquelle le Parlement dans une résolution adoptée par 493 voix pour, 104 contre et 67 abstentions, le 19 juin 2020« condamne vivement la mort effroyable de George Floyd aux États-Unis, ainsi que les meurtres similaires ailleurs dans le monde », on peut également noter que l’Union condamne le suprémacisme blanc dans toutes ses formes et soutient le mouvement BlackLivesMatter. Ces nombreux événements font que l’UE et la Présidente veulent renforcer les lois « en matière d’égalité raciale là où des lacunes subsistent. Parce que dans cette Union, la lutte contre le racisme ne sera jamais optionnelle ». Sur ce sujet aussi la Présidente s’est voulue ferme et ne laissera aucune chance au racisme et à la haine de subsister dans l’UE, cela passera par de nombreux travaux tant de la part de l’UE que des Etats membres. On constate une vraie volonté de la part de la Présidente et de l’UE de façon générale à faire évoluer les esprits.

Quentin Guingan, bénévole