Le drapeau de la discorde – Quelques remarques sur un symbole contesté par la France insoumise

 

M. J-L Mélenchon a récemment exprimé son opposition à la présence du drapeau européen dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Soit. Après tout, comme le dira à un autre moment sur France Info J-M Apathie, « l’assemblée nationale est souveraine en France ». Nous ne développerons pas ces derniers propos qui, disons-le tout de même, n’ont aucun sens politiquement et juridiquement. C’est la Nation qui est souveraine, certainement pas l’Institution qui les représente — d’ailleurs ce sont les députés qui représentent la nation. Ce drapeau européen est-il à ce point une injure contre la France, ses institutions ? Nous ne le pensons pas et nous pourrions rappeler à M. J-L Mélenchon les points qui suivent :

– Il ne nous semble pas que le leader de la France Insoumise ait été particulièrement gêné par ce drapeau européen lorsqu’il fut député européen à Strasbourg ? il est vrai que ce Parlement n’est pas celui de la République. Permettons-nous de rappeler que la présence de M. Mélenchon n’a tout de même pas été des plus exemplaires à en juger par son assiduité assez relative et que sa participation au travail législatif de l’Assemblée de Strasbourg l’a été tout pareillement (http://www.votewatch.eu/en/term8-jean-luc-melenchon-2.html).

– Il nous semble également que Monsieur Mélenchon commet quelques confusions. Il parait rejeter le drapeau européen en l’identifiant à celui de l’Union européenne stricto sensu. En effet, ce fameux drapeau est celui du Conseil de l’Europe. Il a été adopté en 1955 par les États membres de cette organisation européenne qui, c’est pourtant le credo de M. Mélenchon, est le symbole même de l’Europe de la coopération interétatique et non celui de l’intégration. Soumise à la règle de l’unanimité et à la prévalence des souverainetés étatiques, ce modèle connait ses limites. La protection des droits de l’homme, par exemple, est davantage garantie et assurée dans le cadre de l’Union européenne de manière effective que dans celui du Conseil de l’Europe. Ce n’est qu’en 1985, sous un gouvernement de gauche en France au passage, que les Communautés à l’époque ont décidé « d’utiliser » ce drapeau symbole s’il en est de la paix mais aussi celui de la perfection, de la plénitude et de l’unité. Le nombre des étoiles rappelons le n’est pas lié au nombre d’États membres au moment du choix.

– Enfin, sans tomber dans un juridisme excessif, rappelons que l’article 88-1 de notre Constitution précise que la République française participe à l’Union européenne… en tant qu’État fondateur et État décideur au sein du Conseil européen et du Conseil des ministres. L’Assemblée nationale est le lieu du débat de cette participation, le lieu de discussion de la transposition des directives, du contrôle de l’action européenne du gouvernement… Cela aurait-il échappé au député Mélenchon ? Donc, symboliquement, et même constitutionnellement, arborer le drapeau dans l’hémicycle a plus que du sens. Doit-on aussi rappeler à Monsieur Mélenchon que lorsqu’il s’est présenté à la présidence de la République cette année, sur la base de ce même article, il aurait pu être élu en tant que Chef d’État de la France mais également et simultanément en tant que membre du Conseil européen avec une légitimité incontestable (quel déficit démocratique de l’UE ?). Les justifications à la présence de ce drapeau, même si juridiquement on n’en trouvera pas de base spécifique, sont pour le moins politiques. Enfermer la France dans son souverainisme institutionnel et symbolique (le drapeau français) comme le fait J-L Mélenchon a surtout pour vertu de capter un électorat qui méconnait trop souvent la réalité institutionnelle européenne et française. C’est de « pédagogie » que doit faire preuve M. Mélenchon et certainement pas de mépris vis-à-vis d’une Europe qui lui aura permis de servir ses intérêts propres, à la fois comme député européen mais aussi comme leader politique dont le discours anti Union européenne est bien connu. Paris vaut bien un drapeau…

Ce drapeau nous l’aurons. En effet, le Président de la République a indiqué que lors du prochain Conseil européen du 19 octobre il se fondera sur la Déclaration n° 52 du traité de Lisbonne afin que la France reconnaisse officiellement et en droit les symboles de l’Union européenne qui sont la devise bien connue « Unie dans la diversités », son hymne tout aussi connu et son fameux drapeau. Ce faisant, le France sera le dix-septième État à reconnaitre ces symboles.

Pierre-Yves MONJAL, vice-président de la Maison de l’Europe de Tours Centre Val de Loire, professeur de droit public à l’université François Rabelais de Tours.