La politique de coopération et d’aide européenne: un outil pour l’affirmation du soft power de l’Union

L’Union Européenne est si active dans le domaine de la coopération au développement qu’elle est devenue le principal fournisseur d’aide au monde.

Au niveau européen,  la politique de coopération et d’aide est gérée par la Commission Européenne grâce à deux directions générales, la Direction générale du développement et de la coopération (DG DEVCO) et la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO). Connaître les mécanismes de base nous aide à comprendre l’importance internationale de l’Union et les efforts des institutions pour construire une Europe plus solidaire, cohésive et mieux reconnue dans le monde.

Que signifie « faire de la coopération » ?

Pour ceux qui ne connaissent pas la coopération au développement, la coopération peut aujourd’hui se définir comme une forme de collaboration entre les États (et entre les États et les organisations internationales) dont le but est le développement du système mondial, en particulier dans les domaines jugés faibles.

Elle n’est donc pas centrée sur la seule croissance économique, mais englobe l’éventail le plus large possible de facteurs de développement (nutrition, santé, éducation, sécurité, etc.).

Tout est né après la seconde guerre mondiale, au début des premiers processus de décolonisation. Cependant, à cette époque, le soutien aux pays sous-développés et du Tiers-monde était surtout conçu comme une aide financière.

En effet, après la guerre, « on considérait que les sociétés traditionnelles étaient en retard par rapport à la civilisation occidentale et qu’elles devaient franchir une série d’étapes afin d’atteindre le progrès. Le développement était vu comme une modernisation […][1]

Par la suite, la coopération gouvernementale a été complétée par la coopération non-gouvernementale, représentation légitime de la société civile et moins attachée aux intérêts politiques et économiques.

Malheureusement, beaucoup de personnes pensent encore que la coopération est synonyme d’aide économique ou seulement d’APD (Aide Publique au Développement, en anglais ODA – Official Development Assitance), mais la vision, le concept et les termes ont évolués.

Par exemple, les expressions sous-développement et Tiers-monde ont été remplacées par « pays en voie de développement » ou « pays du Sud ». Cela n’est pas seulement un changement de mots, c’est aussi l’expression d’une mentalité différente : « L’assistance [économique Ndr] est de moins en moins vue comme la solution aux problèmes des pays du Sud. Les ONG, en particulier, privilégient d’autres types de coopération. »[2]

Cela signifie qu’aujourd’hui le système ne se fonde plus seulement sur l’argent, mais, comme nous l’avons vu, sur la collaboration au niveau institutionnel et sur l’échange de savoir-faire.

La coopération au niveau européen

La politique de l’Union « est liée aux questions mondiales majeures sur lesquelles l’UE travaille avec ses partenaires »[3], comme, par exemple, le soutien aux objectifs de développement durable (SDGs ou Sustainable Development Goals, Agenda 2030).

Pour « travailler en partenariat avec les pays en développement et les économies émergentes » et  « favorise(r) une croissance intelligente, durable et inclusive »[4], la Commission a construit des programmes spécifiques de financement et de soutien pour les pays en développement économique.

Grâce à ces programmes, l’Union et ses États membres sont aujourd’hui les premiers donateurs mondiaux d’aide publique au développement (ADP).

Par exemple, « en 2013 l’aide au développement de l’UE — prélevée sur les fonds européens et sur les budgets nationaux des États membres — totalisait 56,2 milliards d’euros. Cette somme correspond à 0,43 % du revenu national brut (RNB) de l’UE.»

DG DEVCO et DG ECHO

Au niveau européen, les activités de coopération au développement sont gérées par la Direction Générale de la coopération internationale et du développement (DG DEVCO/EuropeAid), qui compte huit directions.

La Commission a opté pour une approche horizontale et verticale, avec une portée soit géographique, soit thématique, pour augmenter l’efficacité des activités et la rapidité des réponses.

Le programme d’aide est généralement mis en place de façon pluriannuelle. Pour la période 2014-2020, il y a quatre instruments qui définissent la répartition des fonds au niveau géographique : le Fonds européen de développement (FES), l’Instrument pour la coopération au développement (DCI – Development Cooperation Instrument),  l’Instrument européen de voisinage (ENI – European Neighbourhood Programme) et l’Instrument d’aide de préadhésion (IPA – Instrument for Pre-Accesion).

Les instruments thématiques, ouverts à tous les pays, comptent l’Instrument pour la démocratie et les droits de l’Homme, l’instrument pour la paix et la stabilité et l’instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire.

L’aide est distribuée par le biais de projets (le financement est mis à disposition dans le cadre d’un certain programme. L’annonce est publiée sur le site de la Commission et les ONG doivent postuler en présentant un projet. Pour postuler, il faut être inscrit au système PADOR), de subventions et de marchés, mais aussi par un appui sectoriel et budgétaire.

Pour l’aide humanitaire, la direction compétente est la DG ECHO, la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes.

« Le budget initial pour les actions d’aide humanitaire et de protection civile est en moyenne de € 1 milliard par an.  Pour la période 2014-2020, le budget prévu est de € 6,6 milliards. […] Outre le budget initial, la réserve de l’UE pour l’aide d’urgence peut être mobilisée pour répondre à des évènements imprévus […]. ECHO finance plus de 200 organisations partenaires qui exécutent des actions humanitaires sur le terrain. Il s’agit d’organisations non-gouvernementales (ONG), d’organisations internationales et d’agences des Nations unies (ONU). »[5]

La coopération comme outil pour les affaires étrangères

Si l’Union a décidé d’investir autant dans le secteur de la coopération au développement et de l’aide en particulier, ses motivations sont nombreuses : « de manière générale, la plupart des actions européennes de coopération au développement contribuent à l’affirmation de l’identité extérieure de l’Union. »[6] Et bien que la politique de coopération européenne ne soit pas formellement un instrument de renforcement de la politique étrangère commune, « dans les faits, cette politique a toujours été mise au service des stratégies d’influence politique internationale. »[7]

L’Union utilise la coopération afin de prévenir et limiter des conflits, pour le renforcement de la sécurité et pour l’affirmation de sa politique extérieure, parce que « la politique de coopération au développement légitime ainsi l’interventionnisme politique extérieur de l’Union »[8] , car, en étant donatrice, « l’Union européenne peut prétendre […] jouer un rôle de médiateur entre les parties en conflit dans différentes parties du monde. »[9]

La  coopération devient parfois un outil de soutien de la politique européenne de voisinage (PEV, ou ENP, European Neighbourhood Policy), et donc de la promotion de l’Union et de ses valeurs dans les pays voisins.

Par conséquent, les actions de coopération sont aussi liées à la politique de la DG NEAR (la Direction Général pour l’élargissement et le voisinage), devenant des instruments efficaces pour la construction de partenariats.

Naturellement, cela reste difficile à mettre en place, mais la coopération au développement reste à la base de la réputation internationale de l’UE.

 

Dario Fiorucci, Service Volontaire Européen (SVE)

[1] http://www.acodev.be/la-cooperation-au-developpement/de-quoi-sagit-il

[2] ibidem.

[3] Comprendre les politiques de l’Union européenne – Coopération international et développement, Union européenne, 2014.

[4] Ibidem.

[5] https://ec.europa.eu/echo/funding-evaluations/funding_fr

[6] Corinne Balleix, La Politique européenne de coopération au développement, Fondation Robert Schuman, 2005.

[7] Ibidem.

[8] Ibidem.

[9] Ibidem.